Fabienne Verdier est plus à l’aise avec le silence, la méditation et l’outil qu’elle emploie habituellement, son pinceau, qu’avec les mots. Le plaisir de la lire réside moins dans le style que dans la force de l’expérience inouïe qu’elle nous fait partager sans retenue, dans sa quête insensée, dans la folie de son parcours initiatique.
Fabienne Verdier choisit la Chine pour ne pas mourir. Tomber de Charybde en Scylla, drôle de choix, mais choix majeur, décisif. Il faut suivre son instinct, sa vérité intérieure, quels qu’en soient le prix, les dangers. Effleurer la mort, celle des autres et la sienne propre, c’est entrer dans la vie, devenir ce qu’elle a toujours voulu être, une calligraphe, une « passagère du silence », l’outil d’une transmission d’un art à travers cultures, générations et continents. En se mettant au service d’un savoir ancestral, occulté, brimé, bafoué, maltraité par le régime politique chinois de la révolution culturelle, elle nous dépeint l’indicible, l’infiniment humble, cette concentration extrême d’un mouvement, la difficulté de gestes répétés à l’infini pour en faire jaillir l’essence ou la quintessence qui fait que ce savoir devient art.
En partant à la découverte de la calligraphie, elle part à la rencontre d’elle-même et de destins que la grande machine du pouvoir et de la politique a pulvérisés, soumis, écrabouillés, verrouillés. Cet art qui n’a pu sauver personne du rouleau compresseur d’un autoritarisme arbitraire, brutal, efficace, cet art, elle s’en empare peu à peu, l’apprivoise, le domestique, petit bout de femme de 20 ans, pour reprendre 10 ans plus tard et de façon magistrale et unique, le relais d’artistes qu’on s’est évertué à éliminer très consciencieusement et presque parfaitement.
À prescrire de toute urgence à tous les jeunes, moins jeunes, amateurs et participants de la Star Academy.