Le tango de la mort qui tue !

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(Le tag de Guillaume in lesimpromptuslittéraires)

Crânement gironds et chauves, superposés le long du mur du son, nous faisons tapisserie ! Sur la photo, le troisième au deuxième rang en partant de la gauche, c’est moi. Je vous le dis entre quatre orbites, beaucoup d’idées toutes faites se colportent à propos de la mort : les fantômes, les squelettes, les âmes, les esprits et tutti quanti.  Le nec plus ultra bien connu qu’on peut traduire littéralement par plus rien au-delà me claque les mandibules ! Force m’est de constater, avec le recul qu’impose mon funeste état, que rien n’est vrai, que dalle ! Nihil novi sub sole, peut-être mais pas ici. Si vous me lisez, c’est que vous avez enfin découvert mon blog, un super site que j’ai modestement nommé la Cadrature du Continuum Céleste (CCC) dont le but est d’explorer l’après-cosmique, les nuages de perceptions erronées au travers desquels l’homo sapiens (laissez-moi rire !) s’est engouffré sans coup férir !

Vous serez sans doute renversés si je vous confie qu’in articulo mortis, un rien nous sépare de l’abime sans chapeau dans lequel on plonge sitôt le couperet tombé. Alors, tout change : on perd la tête. Pas au sens figuré mais au sens propre : le lien soi-disant indéfectible qui unit ces deux entités dissemblables se rompt définitivement. La tête s’en va de son côté et les corps, eux, dérivent du leur sans heurt et  sans attaches, c’est vache se récrieront certains !

Cette dichotomie du caput et du corpus apporte l’incommensurable dimension de ce qu’est l’être humain, ce dont on ne se rend pas compte quand on est vivant et prisonnier de sensations souvent fausses : un corps qui jouit d’un esprit petit, pacageant dans l’erreur imbécile.  Mourir pour percevoir enfin la complétude du tout de l’ecce homo dans le tout, o altitudo !

Sitôt dégagée des entraves corporelles, l’errance des libellules fond sur les têtes comme les bolides des 24 heures du Mans, à fond de train ! Penser ce qu’on veut parce qu’on peut et réaliser qu’il n’y a plus les limites obstinées d’un corps obtus agrippé aux testicules de ses propres inhibitions ne peut s’évaluer qu’à l’aune de la problématique du terrestre. L’esprit peut ainsi baguenauder dans les prairies d’un infini évanescent.

De leur côté, à présent affranchis des contraintes neuronales souvent psychorigides,  les corps se défont de leur flemmardise pataude sui generis dans le fourmillement d’une jeunesse débridée. Les guiboles s’enhardissent en entrechats dodécaphoniques alors que les  bustes se font flexibles, avants renversés tourneboulés, hop, du délire à la rencontre d’une bohème paradoxale et commutative, une flânerie d’alouette sans conséquence, des gribouillis dénués de toute importance et une légèreté quiète et délassante. Un corps qui s’essentialise, si je puis susurrer de la sorte.

Et tous les samedis ? Le grand bal populaire des parias-pour-rire (GBPPPR) rassemble pour la circonstance, têtes, épaules et genoux, pieds, genoux, pieds, je m’égare. C’est le moment que tous attendent : le délicieux tango des raplaplas, surge et ambula,  levez-vous et marchez. Les corps se choisissent une tête qui leur plait et vice versa, le rêve humain en quelque sorte. Alors se décline sur les temps forts des mesures en deux temps la marche d’un corpus gaillard sur lequel un caput mundi guide le ressenti de l’interprétation en liberté.

S’agrippent de la sorte ces partenaires post-mortem, o tempora ! o mores ! Un pas en avant, un demi-tour, abrazo, et tout le monde s’envole en l’air. Tu me tiens, je te tiens pas la barbichette (que je n’ai plus). Ah, ce tango que j’ai vénéré dans mon ancienne vie, que je t’ai aimé comme certains snifent la cocaïne ou d’autres l’art contemporain. Avec passion, conviction, l’enthousiasme délirant d’une exaltation argentine ! Vade retro satanas, c’est cela qu’on appelle le paradis.


 

Ecrit pour Les plumes d’Asphodèle (632 mots) avec les 20 mots imposés  : flânerie, pacager, liberté, baguenauder, circonstance, enthousiasme, prisonnier, errance, prairie, libellule, céleste, nuage, délire, rencontre, bohème, paria, alouette, gironde, évanescent, agripper. Sur : https://leslecturesdasphodele.wordpress.com/2016/02/22/les-plumes-49-resultats-de-la-collecte-pour-vagabondage/

Consignes de base de la semaine, le tag de Guillaume,  sur les impromptus littéraires ici : http://impromptuslitteraires.blogspot.be/p/le-theme-de-la-semaine.html

Et puis, voilà que notre amie Jobougon vous relate ici la suite de ces aventures osseuses d’une nuit dansante et cliquetante : https://jobougon.wordpress.com/2016/02/27/comment-lesprit-sagrippe-a-la-vie/?c=7617#comment-7617

A propos Anne de Louvain-la-Neuve

Anne d'un nulle part, ailleurs ici ou là, entre réel et imaginaire.
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56 commentaires pour Le tango de la mort qui tue !

  1. jacou33 dit :

    Bon, ben, tout est dit; y compris ce tango avec la voix veloutée de Guy Marchand.
    Ah, non, j’allais oublier! Tsoin-tsoin!.

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  2. celestine dit :

    Cette danse macabre m’a titillée tout partout: c’est la danse macabre des cinq sens !
    muahaha (rire sardonique)
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. Ah, bon, il faut que je fasse une citation latine hic et nunc pour ma bonne Anne (non, pas pour ma banane!) …
    Mmmh, hôôôô, pffffffffff …
    Allez, là, jette ta veste!
    Sur ce, je m’en vais chez le grec du coin manger des petits os.
    Ca m’a donné les crocs, ce truc.

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  4. Bravo pour ce texte très original 🙂

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  5. etienne Hachez dit :

    Chère Anne,

    Cette histoire de corps à la recherche d’une tête ou de têtes à la recherche d’un corps m’a fait perdre la mienne.

    En effet, j’ai lu (je ne sais plus où, mais cela importe peu car à l’exception notable de quelques écrits d’internautes, je ne lis que des choses sérieuses écrites sérieusement par des gens sérieux) que des scientifiques avaient constaté que nos boyaux, et singulièrement nos intestins, étaient extrêmement riches en terminaisons nerveuses.

    La totalité de cette masse nerveuse constituerait à elle seule l’équivalent d’un second cerveau et son influence serait loin d’être négligeable.

    En effet, nos tripes, boyaux et autres viscères enverraient des signaux forts , et, pour tout dire, déterminants quant à notre humeur et, par conséquent, quant à notre manière d’aborder quotidiennement nos proches, nos voisins, les questions que nous nous posons (ou que nous ne nous posons pas), nos problèmes, ceux de notre vie, mais aussi ceux d’autrui, ceux du monde, bref, la guerre, la paix, la vie, la mort et tous ces trucs-là.

    Donc, pour faire simple, ce que nous mettons dans notre assiette influencerait nos tripes et, par conséquent, notre façon de voir le monde avec philosophie ou tristesse.

    Cette théorie ne serait pas aussi idiote qu’il y paraît.
    Nous savons en effet qu’il y a des aliments solides (et même liquides !) qui, par nature, réjouissent le coeur de l’homme.

    Nous savons également que nous n’aimons rien tant que de partager table et couverts avec des personnes dont nous apprécions la qualité des échanges.

    Les sportifs parlent de la tête et des jambes mais il s’agit en fait de la tête et du ventre. Chacun sa convivialité.

    Alors, cette idée de séparer tel le père Guillotin la tête du corps pour la réunir façon Frankenstein à un autre corps, cela ne passe pas et, pour tout dire, cela me reste en travers de la gorge.

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    • Du moment, mon ami, que vous ne gerbez pas ! Voilà bien l’intérêt des recherches scientifiques, nous faire partager la substantifique moelle du savoir quel qu’il soit et où qu’il niche ! Je vous lis, très cher ami, toujours avec un plaisir inégalé, celui d’un petit rosé bien frais !

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  6. Valentyne dit :

    Toute essoufflée par ton tango 💚
    Je savoure la dichotomie du caput et du corpus (entre autres…)
    Bon dimanche

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  7. patchcath dit :

    Toute une vis pour ce coin de paradis. Pas radis, pas ravie. Quoique, je rêve parfois de poser mon corps pétri de douleurs pour aller voir ailleurs…
    Bon dimanche.

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  8. Leodamgan dit :

    Oh là là… Moi qui n’ai jamais réussi à danser correctement, tu crois que, libérée de la pesante chair, j’arriverai à entrechoquer langoureusement mes os?

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  9. lydia66 dit :

    Waouh ! Quelle imagination galopante ! M’en vais revoir les sarabandes et autres danses macabres, tiens ! 😉

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  10. « On perd la tête » mais on ne perd pas son latin, et c’est tant mieux!!

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  11. Ping : Comment l’esprit s’agrippe à la vie | L'impermanence n'est pas un rêve

  12. Asphodèle dit :

    Ho ma chère Anne, je n’ai rien vu venir ! J’en ai les os qui s’entrechoquent et vos joutes avec JoBougon m’ont fait éclater de rire ! Puis-je amener une caméra ce soir pour filmer votre tango de la mort à la lueur des réverbères pâlots d’un cimetière sous la lune ? 😆 Comme dit Martine, il faut te suivre et ce doit être quelque chose une discussion en ta compagnie ! Cela dit j’ai eu le Rosa rosa de Brel dans la tête tout le long de ton texte époustouflant ! Heureuse de t’avoir aux Plumes pour nous mettre une ambiance os-si délirante ! 😀 Et pour la route, avec le tintement des osselets en bruit de fond… 😀

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  13. mariejo64 dit :

    Ah enfin ! Quelqu’un qui me rassure sur mon sort post mortem !
    Que la fête commence !
    Tango pour tous !
    Que les zombies de M. Jackson se reconvertissent.
    Bienvenue à Stephen King et son « sac d’os » pour peu qu’ils soient aimables !

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  14. jobougon dit :

    J’ai hésité longuement avant de reconnaître le visage de l’auteur sur la photo entre le troisième au deuxième rang en partant de la gauche et le troisième au deuxième rang en partant de la gauche. Je suppose que la dichotomie entre les deux en est la cause directe. le premier qui rira perd son latin, son chapeau et sa barbichette mais garde la passion intacte, non ?
    « Un tango à tout prix », voilà de quoi garder intact le paradis.
    A ce soir pour le GBPPPR, puisque nous sommes samedi.

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  15. Ping : Plumes vagabondes – Écri'turbulente, c'est en écrivant qu'on devient écrevisse.

  16. Ping : LES PLUMES 49 – LES TEXTES DES PLUMES VAGABONDES ! | Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture

  17. Quelle idée géniale, une tête qui choisit son corps ou vice versa, et holà le tango.

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  18. martine dit :

    Dis, tu es comme ça dans la vraie vie ? Ce doit être un régal de la partager avec toi, quoique je me dis que ça doit pas être tous les jours faciles de te suivre 😀
    Bises, Anne… j’ai convié un maître es tango à te tenir dans ses bras, le temps d’une danse.
    http://www.dailymotion.com/video/x7fer6_marcel-marceau-le-danseur-de-tango_fun

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  19. monesille dit :

    Soufflée, je suis et je me cramponne encore un peu à ma tête à priori d’autres attributs auxquels je n’eusse pas songé faire de même dans de telles circonstances !!
    Vale !

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  20. Impressionnant, ce tango-éternel avec son terrible refrain d’outre-quiévrain « Rien n’est vrai et tout change » ! -d’ailleurs, une fois que ça a changé, ce rien devient-il vrai (et dans ce cas jusqu’au prochain changement) ? Il le faut bien, car s’il reste non-vrai, quelque chose ne change pas….-
    Mais, une fois soigneusement lu et savouré (ah, ce saupoudrage savant de latin), une fois qu’on a compris, qu’on le sait, c’est évident : les têtes vont dans le décor et les corps s’entêtent à filer par là ! Hasard du hasard, je lis pile en ce moment les Fables fraiches pour lire à jeun de Pierre Bettencourt ousqu’il confirme l’idée que, dans certaines circonstances, les têtes peuvent vaquer sans corps, et inversement.

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  21. Encore Bravo Anne, pour cette voix si particulière qui parcourt vos textes !

    « Moi je suis tango, tango
    Elle me glace jusqu’aux os
    Moi je suis tango, tango
    Je l’étais dans mon berceau
    Moi je suis tango, tango
    Je le serai jusqu’au tombeau » (guy marchand)

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  22. Dixit.
    Lolo, la tête sur les épaules.

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