Montetidio, La nature exposée, Erri de Luca

Montetidio.

Lu deux fois (c’est rare). Cette écriture limpide et émouvante dégage le temps et le silence dans une sorte de beauté de la simplicité. Voilà comment on pourrait qualifier ce roman initiatique.  Au-delà du portrait d’un enfant qui se construit avec les valeurs que ses parents lui ont inculquées (la transmission du boomerang qui ne s’envolera qu’à la fin), c’est aussi le moment délicat de la formation à l’indépendance vers l’âge d’homme grâce à celui qui prend progressivement la place du père, Rafaniello le bossu aux ailes qui ne demandent qu’à s’envoler. Maria, elle, le conduit par la main et par le corps à quitter définitivement l’enfance. Les forces maléfiques (guerre, pédophilie) coexistent pour tuer la vie : ainsi les plaies d’une guerre n’auront jamais pouvoir d’oubli ni de guérison. Les prédateurs en tous genres  guettent dans l’ombre pour s’abattre sur les plus faibles.  Entrer dans ce monde de l’âge adulte, c’est comme le travail de la neige : « Le neige ne nettoie pas, elle recouvre, laisse tout pareil, mais elle ne balaie rien », c’est ça grandir et survivre, tuer l’ombre pour s’envoler. Un petit roman qui est énorme !

La nature exposée

Voilà un auteur dont les livres se dévorent avec un plaisir sain et évident : on a l’air moins bête avec et après lui.

D’abord, ils sont toujours petits, ces bouquins. C’est tout à fait inversement proportionnel à la densité de son écriture faussement simple.  Parfois, il faut lire et relire pour comprendre la complexité de cette surface.

L’histoire. Un artisan sculpteur, narrateur du récit,  est engagé par un curé pour dégager de la taille et des hanches d’un Christ en croix le drapé qui cache sa nature, son sexe. Ce drapé, postérieur à l’œuvre originale en marbre, l’Eglise souhaite le faire enlever.  A son travail de restauration se greffe alors la rencontre de cet artisan avec une femme et le pourquoi de son exil du village : il était passeur de réfugiés et son anonymat a été révélé dans la presse .

Un récit qui emboite différents thèmes comme les matriochka russes.

Mon amie Geneviève Wavreille m’a écrit ceci à son propos : « J’ai adoré le récit de cette passion de l’artiste à reconstituer l’œuvre originale mais qui finalement va dépasser son travail de sculpteur. J’ai aimé cette compassion absolue (au point de se faire circoncire), cette recherche spirituelle, cette quête humaine, cette relation à la nature (la montagne, la pierre, ces petites choses qu’il ramasse),  ces hésitations, cette émotion qui te fait frissonner… Comme le  Christ, au péril de sa vie, il accomplit son devoir moral (aider les réfugiés à passer la frontière). Comme  le  Christ, il est trahi ou manipulé (par la femme organisatrice de voyage), et comme la nature du  Christ (son sexe) a été recouverte , il recouvre sa « nature »  .

 

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