Petit billet de l’entre-deux pour l’agenda ironique du mois, Spinoza et les tigres.

Il ne reste en effet que 7 jours avant la dépose des textes pour l’agenda ironique de ce mois. Une très très bonne cuvée, je vous le dis :  jusqu’ici on se surpasse en créativité, en folie, en imagination. Un vrai cadeau de fin d’année qu’on déballe en salivant et en rigolant. Et j’attends encore certains de nos éminents membres dont je refuse de penser qu’ils ne nous rejoindront pas.

Ici, le défi du mois et les résumés. Voici les 11 participants, le premier sans le vouloir, la Patte dans l’Encrier, puis  Laurence,   VictorHugotte.   l’Ecrevisse,  Patchcath, et de deux pour l’Ecrevisse le mien, la Licorne et les Narines des crayons , 

Jobougon et Max-Louis de Iotop rejoignent le peloton de tête ! C’est fait. Et enfin, last but not least, sera-ce le dernier d’ailleurs, notre Dodo national.

N’attendez pas le dernier moment pour vous plonger dans leur lecture abracadabrante : vous vous priveriez d’un plaisir certain.

En attendant la suite, je vous joins deux petites critiques de deux bouquins dont le dernier, plus de 800 pages heureusement condensées sur ma liseuse,  me laisse une impression… de poids !

Le problème Spinoza d’Irvin Yalom. Je laisse la parole à mon ami Tony qui parle de ce livre mieux que personne.

Comme je te l’avais dit, au début on ne comprend pas bien où l’auteur veut en venir car on trouve des chapitres un peu décousus. Mais quand on avance, la structure devient plus claire. Le livre entrelace la vie d’Alfred Rosenberg, un des théoriciens du nazisme, avec celle de Baruch Spinoza. Ce rapprochement incongru de deux personnages que tout sépare s’explique par la suite. Rosenberg est perturbé depuis son adolescence par le fait que ceux qu’il considère comme les grands auteurs allemands (Goethe, etc.) admirent Spinoza. Comment les icônes du germanisme aryen, chantres de la race, ont-elles pu admirer un Juif ? Il appelle ça le « problème Spinoza » ; on retrouve ces mots dans les archives du régime nazi.

Rosenberg devenu Reichleiter au service d’Hitler fera une razzia sur la bibliothèque de Spinoza, dans l’espoir de comprendre et de mettre en évidence que Spinoza n’était qu’un plagiat des philosophes anciens. Las, il en sera pour ses frais car il ne lit pas les langues mortes. Ce qui ne fera qu’ajouter à sa frustration, car il a beau lire et relire le maître ouvrage de Spinoza (L’Éthique), il n’y comprend rien, c’est trop compliqué pour lui.

Au total, un chouette bouquin car les deux histoires parallèles tiennent le lecteur en haleine et l’auteur en profite pour distiller goutte à goutte quelques aspects de la pensée de Spinoza. Irvin Yalom est psychiatre et sa manière de montrer la personnalité de Rosenberg est de raconter la psychanalyse à laquelle il aurait pu se livrer. Et il en profite bien sûr pour le faire passer pour un crétin névrosé. C’est peut-être le seul point faible du livre : au vu des résultats néfastes, je crains malheureusement que les Rosenberg et autres de la même veine n’aient pas été aussi simples d’esprit que Yalom veut le montrer.

Là où les tigres sont chez eux de Jean-Marie Blas de Roblès.

J’ai failli abandonner car mes préoccupations du moment m’égaraient dans ce labyrinthe d’histoires et de personnages. Et puis d’un coup, c’est devenu plus clair dans la mesure où j’ai accepté d’être déroutée par ce kaléidoscope de récits qui s’entrelacent pour finalement. se recouper.

La colonne vertébrale de ce pavé qui se déroule au Brésil est la narration de Caspar Schott, disciple du jésuite Athanase Kircher. Il relate les exploits intellectuels de son maitre, un érudit, un savant, philosophe, philologue, mathématicien, théologien et j’en passe, à travers un document du 17e s. sur lequel travaille un érudit français Eléazard von Wogau en pleine tourmente conjugale et qui ne cesse de proclamer qu’Athanase Kircher se trompe à peu près en tout et sur tout.

Sur ce récit s’articulent d’autres histoires comme les branches d’un tronc d’arbre : une équipe de paléontologues, emmenée par un ex-nazi, se perd dans la jungle.  Nelson, un enfant des favelas, sans jambes, mendie dans les rues et son ami l’oncle Zé, conducteur de camions, tente de lui venir en aide autant que faire se peut. Moéma, une étudiante paumée et droguée, multiplie les expériences sexuelles  en tous genres. L’affreux gouverneur de ce coin du Brésil sans foi ni loi intrigue pour devenir encore plus riche et plus puissant. Et puis, il y a tous les personnages secondaires attachés aux héros de ce roman fleuve, le docteur Euclides, Soledad la gouvernante, Loredana la belle Italienne au lourd secret, la femme du gouverneur, l’indien Yurupig…

Au fur et à mesure de l’intrigue des liens commencent à apparaitre : l’équipe des paléontologues comprend Elaine, l’ex-femme de von Wogau, et Mauro, le fils du gouverneur. La belle Moéma est la fille d’Elaine et d’Eleazard que leurs problèmes de couple ont reléguée au second plan.  Nelson poursuit une vengeance secrète et l’espoir de pouvoir se payer un fauteuil roulant. Toutes les histoires s’entrecoupent finalement et font écho l’une à l’autre.

Je suis épatée par ce roman foisonnant, brillant, étonnant où se dessine une image du Brésil pas très reluisante. Déforestation de la forêt amazonienne entrainant l’extinction des espèces humaines (les indiens), florales et animales, corruption de la classe politique, énorme pauvreté d’une grande partie de la population (notamment les pêcheurs) abandonnée par les autorités. On a une vision apocalyptique des favélas et d’un monde où se dessine deux niveaux sociaux irréconciliables. Finalement il s’agit aussi du destin d’hommes et de femmes qui aspirent à un bonheur impossible. On ne trouve guère d’amour ici hormis entre Nelson et oncle Zé. On n’y trouve guère d’espoir non plus.  Finalement, seule l’admiration que Schott éprouve pour son maitre est une constante qui réchauffe un peu le cœur du lecteur complètement tourneboulé par le cours des événements terribles qui ont lieu.

Et pourtant ce roman se lit de bout en bout, l’écriture s’adaptant aux styles des personnages : les chroniques d’Eléazard sont des phrases courtes, des notes de lecture érudites, il y a aussi des passages en latin (parfois très érotiques), de la philosophie, et cette narration d’aventures palpitantes et dramatiques, pleine de rebondissements, jamais ennuyeuse, toujours limpide sans jamais céder à la facilité. Un livre à recommander par respect pour l’auteur qui a mis 10 ans à l’écrire et pour tout lecteur passionné par une somme ultra-baroque, foisonnante et très étonnante. A conseiller sur une liseuse, le poids de ce bouquin de 800 pages pouvant occasionner une tendinite du poignet !

 

 

A propos Anne de Louvain-la-Neuve

Anne d'un nulle part, ailleurs ici ou là, entre réel et imaginaire.
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24 commentaires pour Petit billet de l’entre-deux pour l’agenda ironique du mois, Spinoza et les tigres.

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  2. Leodamgan dit :

    Mais faut-il avoir bac+18 pour appréhender ces ouvrages?

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    • J’ai jamais eu le bac !!!!!! Non, sans rire, nous avons lu celui d’Irvin Yalom sur Spinoza en bande, celle de notre tournante de livres et c’est du fluide ! Je pense que je n’aurais rien compris à Spinoza dans le texte ! De la vulgarisation philosophique, pourrait-on dire. Abordable, lisible, fluide, intéressante. L’autre bouquin, c’est un pavé et ça, c’est déjà moins facile rien qu’à cause du poids : c’est lourd quand on lit dans son plumard !

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  3. jobougon dit :

    Quant à moi je suis encore chou cru couac et tic.
    Les quelques éléments qui se promènent sur le papier me semblent être tout à fait hors propos, hors des haricots et sans attrait pour la grande flambée de décembre au coin du feu. J’ai presqu’envie de laisser la malle des Indes sous silence on tourne, et de proposer la fin des coquelicots avec un léger sous-décalage tempestif, mais j’ai tellement peur de la guirlande de Noël qui prend ses virages serrés sans mettre son clignotant que je tiens le boa serré entre mes dents.
    Anne, sœur Anne, j’aimerais tellement que le chapeau melon cesse de prendre la cape pour l’épée.
    Mais le gras nie Smith et le boulevard hausse man. J’en pipe pas un lampadaire.
    Je vais tenter une décomposition quand même, d’ici 7 jours en trois lignes comme en trois, regarder passer les mots les pieds en avant, et m’asseoir au milieu des roseaux pour écouter chanter les parapluies de la comète.

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    • Frog dit :

      Eh bien moi je dis qu’un aussi joli commentaire devrait compter comme participation officielle, mais ce n’est pas moi qui commande !

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    • Chère amie, il est hors de question que vous vous tourmentassiez pour cette sirène melon chantant sous le pépin. Je peux compter votre pertinente analyse de la situation comme participation à l’agenda et « punt aan de lijn » comme disent nos voisins du nord que je pourrais vous traduire ici par « point à la ligne » ou encore, « inquiétons-nous davantage de la montée des eaux sur la queue de ladite sirène ». Bref, je vous tiens en si haute estime que le Kilimandjaro fait pâle rocher à côté. Ne vous tracassez pas. Ce sera répercuté dès à présent. Je vous bénis. La Papesse Ane.

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    • jobougon dit :

      Je tiens beaucoup à vous remercier, mesdames grenouille et âne, de votre charmante proposition papéssienne. Et puisque l’idée me parait terriblement bonne, je vais en faire le préambule de la collection de bulles que ma canne à pêche vocabulairienne est allée débusquer dans le grand vide péri-cambriagendien de décembre. Réserve d’oxygène en vue de la montée des eaux, ces bulles sont précieuses et leur direction me servira de guide pour remonter à la surface.
      Bien à vous.
      Croyez bien que le toit du monde vous en soit réciproquement reconnaissant.

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  4. oui bon ben j’ai encore rien écrit…
    sinon, malgré mon penchant pour Athanase Kircher, j’ai du mal avec la brillante plume de M’sieu Blas de Roblès, (brillante… un poil trop pour moi sans doute) ; dommage (pour moi), car j’adore les éditions Zulma ousqu’il dirige une superbe collection et je serais trop fier de lire un jour mon nom sur une de leurs magnifiques couvertures (est-ce qu’il faut des esses ?) mais encore faudrait-il sans doute ne pas exprimer un doute ou un manque d’appréciation sur les indéniables qualités du directeur de collection !)
    bon je vais me remettre à bosser l’agenda ironique, ça sera déjà une chose.

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  6. Tu donnes envie de lire (et les uns et les autres) 😀

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