L’amour est dans le pré (vert)

papillons et crustacés

Baie jument trottinant, s’en fut d’un pas altier

Attirant les regards des habitants des prés.

La croupe callipyge, elle passait en reine

La jambe déliée, dédaigneuse et hautaine,

Éduquée à l’ancienne, à la mine farouche

Elle exposait à l’air un sang de pure souche,

Rossinante emplumée, fierté des Don Quichotte

Elle allumait d’un trait, la faune polyglotte.

Le tout-venant reluquait, s’émerveillait la plèbe

Mais elle nonchalamment,  élégantait la glèbe.

 

Sa carrière c’était celle qu’on réservait pour elle

Courir, se reproduire, pas pour la bagatelle

Pas touche au pédoncule réservé à l’époux

Un étalon de prix, et pas un sapajou.

Tel était son destin, être belle, obéir

Il y a pire sur terre, pas de quoi s’assombrir !

 

Elle n’était pas farouche aux discours des fourbes

Se laissait bien compter la fable au gout de bourbe.

Des billevesées en masse, on lui sert à  la pelle,

Des paroles ensorcèlent le plomb dans sa cervelle

Sans arrière-pensée, sa vie en chevauchée,

Elle n’avait pas l’idée qu’ils l’allaient débaucher.

 

Un cochon de bassecour en son étable austère

Réunit en pleine nuit,  la foule des congénères.

Cette auge sent le moisi, la pelure indigeste

Je veux changer de vie pour briser cette peste

Prenons l’air, que diable, faisons comme les abeilles

Butinons tant qu’on nait, pas tout près du cercueil

Pour ce faire agissons, sans le besoin d’un treuil

D’un quotidien morose,  dégageons les ardeurs.

Allons placer ailleurs, loin des agioteurs

Notre lard, nos côtelettes, et nos pattes au miel,

Bref, une réputation, loin d’être artificielle.

Mal avisé je serais, de rester dans ce coin

À vivoter menu, à me moucher le groin

Dans la boue patauger, il n’en est point question

C’est tout à fait indigne de mon rose croupion.

 

Ceci étant posé

Il convenait d’ajouter

Une précision de taille

Qui foutrait la pagaille

 

Voyez un peu la belle, prétentieuse et rebelle

Ses yeux qui me font de l’œil, sa croute qui étincèle.

Nobles sont mes jambons si je suis prolétaire

Suidé je demeure, verrat mais ma bannière

À mes armes porcines, je rallierai la fière

Car manquer à ce point de grandes ambitions

N’est point à la hauteur de ma soue condition

On a bon être un porc, gras du bide et joufflu

Prétendre vers le beau n’est jamais malvenu.

Si j’y mets bien des formes, une exquise politesse

Fera fondre le cœur de la douce princesse.

 

T’auras pas de chance mon gros t’es pas beau t’es pas top

S’égosillent en grognant les potes porcs qui disent stop

T’as pas de sous, t’es trop lourd, on va rire de toi

Il est temps d’arrêter et de te tenir coi

 

Pendant ce temps passant, la jument dépassait

La Sainte-Catherine en termes, qui pendaient au harnais

La bonne, la chère, la belle, celle qu’on disait gentille

Grand temps il devenait, de mettre au pas la mie

Vous n’y verrez que du feu, ce sera sans douleur

Lui soufflaient à l’oreille tous les investisseurs

Quels bénéfices pour vous ! (Quel intérêt pour nous !)

 

Le cochon illico passa donc à l’action

Guettant, épiant, la svelte, il l’arrête furibond

 

Mon train vient de partir, me laissant quelle guigne

À quai, morbleu, perdu. Vous voilà, c’est un signe !

Vous plairait-il, Madame, de me renseigner où

Je pourrais subsister, mais pas question d’un trou.

Étranger à l’endroit, je suis cochon de gout,

Vous siérait-il d’aider, et sans contribution,

Un gentleman comme moi qui cherche collation ?

Partagerez-vous du coup, l’instant alimentaire

Qu’un grand célibataire, propose en solitaire ?

 

Interloquée la belle, se rit de l’audacieux.

Pourquoi ne pas, mazette, après tout contenter

Cet étranger porcin dont il parait certain

Qu’il ne faille redouter, à pouvoir fréquenter.

Définitivement laid et indigne à sa race

Là voilà pourtant prise, au charme du sagace.

Ses plaisanteries font mouche, ses compliments la touchent.

Il s’enhardit le bougre, poussant loin la formule

Par ce temps de canicule, très loin de l’ergastule

Ils dérivent tous deux, au trot puis au galop

Dans les contrées lointaines, d’un grand mélimélo.

 

Triste sire, je vous entends, prononcer quelle audace !

Ce récit sans morale est un peu ragougnasse.

Un cochon, une jument, quelle anormalité !

S’écrie donc hébété, le bon peuple horrifié.

 

D’autres diront pourtant que le destin souverain

Commande les humains, déjouant pour le coup,

Toutes les prévisions, les tarots des gourous.

Le rêve de quelques-uns peut rencontrer, c’est sûr

Fortune toute tracée, déjouer les augures.

Mélanger les couleurs

Faire reculer les peurs.

Tout dépend, de la chance, des dieux, ou du hasard

Les plis des prédictions se noient dans le blizzard.

Qui pourrait dire le jeu, de ces bizarreries

Des sentes de la vie, pas de géométrie !

Bref, en tout pour conclure, j’invente la fin de fées

Qui dit qu’ils se marièrent, et cela pour vous plaire.


Ecrit pour l’Agenda ironique de décembre dont le thème est proposé par Monesille ici.

A propos Anne de Louvain-la-Neuve

Anne d'un nulle part, ailleurs ici ou là, entre réel et imaginaire.
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49 commentaires pour L’amour est dans le pré (vert)

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  4. Ben voilà que je me rends compte
    que j’avais lu sans commenter
    du coup c’est un peu la honte
    je me dis « tu vois comment t’es » ?

    bon, je continuerais pas sur 164 lignes avec des vers qui riment à chaque fois, surtout après tous les commentaires précédents qui m’ôtent les mots du clavier, mais en bref je suis tout à fait épaté et réjoui par cette longue et belle épopée ! merci Anne 🙂
    et je le dis, ça va être cotonneux de votationner…

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  5. Valentyne dit :

    Mazette, Mazette
    🙂 du grand art
    J’ai hâte de voir leur première portée à ce verrat et à cette jument !!! Une jument baie ? des cochons ?
    C’est donc elle qu’on appelait la baie des
    Cochons 🙂 ?
    Bisessss

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  6. mariejo64 dit :

    je suis venue, j’ai lu et j’en suis restée baba ! (pas si bizarre que ça pour ceux qui savent que je suis mariée à un pâtissier ! 😉 )
    Baba, oui, mais pas tellement surprise en fait !
    Il est bien connu, même si ce n’est pas ouvertement, que les plus fières donzelles peuvent craquer pour un vulgaire marlou bien pourvu d’arguments. Et celui cité plus haut, en a de superbes !
    Que vive donc longtemps le mariage pour tous ! 😀

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  7. Le moche de cochon remue ether et M…, secoue purin sur mousselines, m’en tire-bouchonne un groin et, sans glier parde (ou plier garde) se pourlèche de pouliche pour remporter l’équidée dans l’ordre !!!
    C’est beau !!!

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  9. Leodamgan dit :

    Quel style grand siècle! mais lequel? XVIIème? XVIIIème? Peu importe…
    C’est une très jolie fable!

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  10. « On a BEAU être un porc, gras du bide et joufflu
    Prétendre vers le BON n’est jamais MÂL(E) VENU. »
    (Anne de LLN – deuxième pallier de lecture – après qq vers … et hop, Alex en drille, Alex en drap … c’est du lourd, merci pour le casse-tête ;-))
    Je m’incline. Une demi-heure d’exercice par jour ! Ca, … c’est fait. 🙂

    PS1: L’amour est dans l’à-fond (Taine H.) – proverbe étudiant LLN
    PS2: Certes, « la patrie du cochon se trouve partout où il y a du gland », mais pourquoi ne pas inverser les rôles ? La laie et l’étalon par ex. Hein ? Les clichés, on le vit dur 😉
    PS3: Ah et un peu de lecture : http://www.chansoemes.net/2009_11_01_archive.html

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  11. Jeanine Van De Wiele dit :

    Succulent, j’ai adoré! Jano.

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  12. Rx Bodo dit :

    On voit que vous n’habitez pas loin de la campagne; vous maîtrisez le dialecte des animaux à merveille. Grâce à vous, en plus de me marrer comme un canard, je me suis instruie.

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  13. jobougon dit :

    Je dois reconnaître que cette affablerie me déconcertationne amplement sans pouvoir mettre le doigt sur l’origine de cette déconcertitude. En tout cas, en ce qui concerne le déconcernement, j’applaudis haut et fort cette performance littérare qui consiste à faire d’une Lafontainerie un conte de fée. Joli tour de magie.

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  14. Dominique dit :

    Quel joyeux talent !

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  15. martine dit :

    Ce verrat, par ma foi
    a imposé sa loi
    à la belle haquenée
    bientôt prête à poser cochonnée,
    lorsque dans l’herbe d’or
    ils s’ébattront encor,
    feront la bête à deux dos
    pour embrasser l’eldorado.

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  16. martine dit :

    J’aime, à première vue.
    mais à la deuxième,
    quand je l’aurai vraiment vu
    je te dirai que j’adore.

    À très bientôt !

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  17. jérôme dit :

    Bravo, vous avez trouvé une place entre La Fontaine et Ken Loach !

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  18. etienne Hachez dit :

    Vaste est mon inculture.
    Les mots « agioteur », « suidé », « ergastule » et « ragougnasse » m’ont incité à consulter le dictionnaire pour en saisir la précise signification.

    Par contre, mon dictionnaire, plus inculte encore que nous, ne répertoriait pas le mot « élégantait », dont, pourtant le sens est une évidence pour tous tes lecteurs que ta plume élégante tant.

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  19. francoise dit :

    Dis donc Anne, tu n’as pas encore casé le mot ‘opiacé’ dans tes descriptions de créatures de rêve! C’est pourtant un beau mot, n’est-il pas?Allez, bonne Saint-Nicolas!Françoise

    Date: Sun, 6 Dec 2015 09:22:14 +0000 To: francoise_deleu@hotmail.com

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  20. J’ai bien ri, cochon qui s’en dédie, en parcourant au trot cette fable galopante autant que galopine.

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  21. monesille dit :

    C’est grandiose ! j’ai lu au grand galop et j’y retourne au petit trop ! certaines tournures m’ont fait hennir de rire ! quel départ en fanfare pour l’agenda ironique !

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  22. Ping : Agenda ironique-Anne de Louvain la neuve | monesille

  23. jacou33 dit :

    Nom d’un trognon!
    Que tout cela à lire est bon!
    Et à mon esprit qui se morfond
    De n’avoir pas trouvé encor
    La clé du trésor
    Perdue dans l’herbe d’or,
    Apporte lumière et sagesse,
    Il faut bien que je le reconnaisse!

    😉

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