Il était une fois un prince qui s’appelait Charmant parce que sa mère avait décidé de lui donner un prénom nom original qui porterait bonheur. En se penchant sur la trogne de son trognon de fils, la reine, sa maman, avait prononcé un sort carabossique : Tu te marieras à 20 ans avec une vraie princesse, ou pas, avec du monde au balcon et Pâques au tison.
Il fallut donc que la future soit pourvue de tout là où il le fallait.
La prophétie de la reine se répandit comme une trainée dans tout le royaume. Le vent soufflait aux oreilles cette antienne mille fois répétée mais jamais égalée, « pas de bras, pas de chocolat ». Car c’était, à cette époque-là, une denrée rare que les vraies princesses à bras, un peu comme les thons qui étaient en voie de disparition.
Voilà que Charmant eut vingt ans sans s’en apercevoir. Le fils prince à la reine était devenu, c’était cousu, le plus beau, le plus fort, le plus fier et le plus costaud. Mais, zélas, c’est là qu’est l’os, il était demeuré (oui, il l’était un peu) célibataire à son âge ! Mais où sont les Blanche Neige d’antan ? Il fallut trouver le bon parti pris qui croyait prendre sous peine de coiffer Ste Catherine, un comble.
La reine décida de donner son royal coup de pouce au destin et l’inscrivit à l’émission, Qui veut épouser mon Chérubin ? , une série télé de réalité dont elle était la plus fidèle spectatrice et qu’elle commentait d’ailleurs pour elle-même et son fidèle Milou, assis en tailleur à ses côtés : « quelle c… celle-là, c’est une p…, ça se voit. J’espère que le benêt ne va pas craquer, ce serait trop stupide pour sa pauvre maman si elle se retrouve avec ça comme belle-fille. Vois-tu, mon fidèle Milou, nous allons tout faire pour ne pas qu’une telle bombe nous tombe dessus comme la syphilis sur le bas clergé au Moyen-Age». Si le récit est en partie censuré, c’est qu’il ne convient pas de mettre de gros mots dans un conte de fées strictement accessible aux enfants en bas âge.
Les candidatures des futures furent soigneusement sélectionnées par la reine mère : on n’est jamais trop prudente surtout dans la haute. Pour le gamin, si princesse il y avait, il convenait en suce de trouver la bonne. Le premier choix tomba sur la blonde Joséphine comme les blés, grande et décolletée à retardement (sont-ce des vrais ou des faux ? se demanda Charmant dont les yeux sortirent très momentanément des orbites … de cheval comme dirait Geluck). La suite ne nous le dira jamais. Elle plut donc au prince, la mère ne dit mot qu’on sent.
La seconde, Nabila, avait la peau mate et les yeux couleur tout de suite. Elle plut donc au Prince mais moins à la mère à cause de son teint de pruneau d’Agen dont elle détestait les noyaux mais appréciait la marque tout de même pour le moelleux et le goût.
La troisième, Louise, n’avait l’air de rien de plus que ce qu’elle était, une fille avec cheveux, yeux, nez, bouche, dents, jupe, tee-shirts, talons, et avec ça, un air modeste qui plut aussi au prince, on ne sait pourquoi, et moyennement à sa mère car si vis pacem, para bellum et il faut se méfier de l’eau qui dort dine, comme dit le proverbe bien connu. Mais laquelle était une vraie princesse de conte de fées ?
La reine mère avait son idée. Puisque le premier épisode de la série Qui veut épouser mon Chérubin (je le rappelle à toutes fins utiles pour les distraits qui ne suivent pas) se passait chez zelle au castel, elle fit préparer trois suites royales et des cascades de pluie. Ce devait être si effrayant qu’il n’y aurait qu’une seule solution : que les trois filles dormissent au lieu-dit sans loup garou ni sorcières qui n’avaient pas été invités et surtout, sans Charmant au plumard, bien évidemment, car pas touche avant le mariage, soyez correctes !
Pour les filles, le menu était donc sans le dessert qui avait tout d’un printemps sans les jacinthes qui vont avec. Cependant, Joséphine, Nabila, et Louise étaient bien élevées et elles ne bronchèrent point car la Vieille, die Alte, aurait fustigé de son noir regard la moindre velléité d’insubordination dans les têtes ou les bouches par ailleurs délicieuses des promises, bref, il faut tuer dans l’œuf le processus, comme chante très bien Juliette que je vous recommande chaudement. La reine devinait les plus noirs des seins.
Nous allons bien voir comment elles vont s’en tirer cette nuit, rumina la rusée qui fit glisser par les elfes de maison dans chacune des trois couches un petit pois chiche kebab. Ce procédé bien connu de toute reine un peu maligne devait décider du sort des belles au pois dormant puisque tout le monde le sait, une vraie princesse se vérifie dès potron-minet à la tronche qu’elle tire après une nuit passée sur un écueil de cette sorte.
C’est pourquoi sur le sommier épeda multispires et le pois chiche kebab, elle fit déposer trente matelas 100% latex dura lex sed lex et, par-dessus, encore vingt couettes en plumes d’eider suisse allemand, les meilleures de la gamme Ikea. L’ascension au sommet fut pénible pour chacune d’elles, l’échelle étant dure, mais juste et bonne, et le confort semblant assuré.
Le lendemain matin, sirupeuse, la reine mère fit convoquer les trois grâces au petit-déjeuner anglais, of course cycliste. Charmant avait bien tenté des pénétrations durant la nuit mais hélas, on avait retiré les échelles des couches et bien marri, le futur s’en fut sans avoir pu honorer un contrat tacite et sans reproche. Cependant, la suite allait prouver que Bien mal acquis ne profite jamais et qu’en réalité, Qui bene amat bene castigat, sic.
La blonde Joséphine arriva la première. Affreusement bien, répondit-elle tout de go, à la question louche, Avez-vous bien dormi ? Dieu sait ce qu’il y avait dans ce lit. J’étais couchée sur quelque chose de si dur, qui n’était pas vraiment ce que je pensais, que j’en ai eu des commotions sur tout le corps ! Mais les matelas et les couettes étaient si confortables que j’ai tout oublié. Je cours derechef, ma Reine, chez Ikea m’acheter les mêmes ». Elle s’en fut illico et ne revint jamais alors qu’il était sûr et certain à 100% qu’ils tenaient là une vraie princesse puisqu’au travers des trente matelas et des vingt couettes en plumes d’eider suisse allemand, elle avait senti le petit pois chiche kebab.
On lui rapporta alors la mauvaise nouvelle suivante. Nabila était tombée d’étages durant la nuit. Elle avait appelé, allô, non, mais allô quoi ! les sept nains ses amis qui avaient déboulé dans le château en tapinois sur leurs petites jambes courtes et torses et l’avaient rapatriée chez eux dans la forêt de Sherwood où elle disparut sans les tambours ni les trompettes qui auraient pu, si le sort l’eut voulu, annoncer au monde une nouvelle reine mais voilà, c’était raté.
En ce qui concerne Louise, la troisième, tout ce qu’on découvrit furent le Z comme Zorro, dans la courtepointe de soie verte et les débris d’un carreau de vitrail cassé de cette suite pourtant perchée au dixième étage. Les journaux en firent de gros titres : en héros intemporel, celui dont je ne prononcerai pas le nom avait su s’adapter à la réalité contemporaine et troquer son cheval contre l’habit d’un homme araignée pour enlever la fille de ses rêves après le coup de foudre qui l’avait terrassé en regardant l’émission de télé, vous suivez toujours car je ne répéterai pas.
L’émission Qui veut épouser mon Chérubin ? fut interrompue. Le drame des princesses en goguette fut relaté dans toute la presse à scandale. La Reine s’enferma pour pleurer ses larmes de crocodile et Charmant consola sa maman du mieux qu’un fils put. Il demeura à jamais célibataire, puisqu’il ne se maria jamais, ce qui peut sembler un pléonasme mais demeura pour lui un épiphénomène, la vérité vraie de cette histoire vraie étant qu’en réalité, il n’avait jamais voulu se marier ni avoir des enfants, ni encore moins beaucoup d’enfants, attaché qu’il demeurait à sa propre liberté et à sa chère maman. FIN
Ceci pour répondre au concours lancé par Jobougon « Agenda ironique d’août : disséquer la grenouille ou la citrouille » ? » https://jobougon.wordpress.com/2015/07/28/concours-agenda-ironique-daout-dissequer-la-grenouille-ou-la-citrouille/
Et à la suite, d’une patte dans l’encrier, https://1pattedanslencrier.wordpress.com/2015/07/28/concours-agenda-ironique-daout-dissequer-la-citrouille-ou-la-grenouille/#comment-748
Ainsi que le dodo de Carnetsparesseux : https://carnetsparesseux.wordpress.com/tag/agenda-ironique/
Ping : L’héritière du concours agenda ironique de septembre | L'impermanence n'est pas un rêve
Mais où sont les princesses d’antan? Et les princes charmants d’antan?
Il y a du dévergondage, là… Pas de mariage heureux avec beaucoup d’enfants? Snifff…
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Eh non, et pourtant, à part la reine mère qui rêve du modèle classique, tout le monde a l’air fort content, non ? Merci pour votre commentaire…
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Et bé, faut suivre ! Le pauvre Charmant se traîne un sacré Œdipe.
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Bonne analyse. Merci Martine…
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Ping : Concours agenda ironique d’août : Les votes. Aux urnes, citoyens conteurs ! | L'impermanence n'est pas un rêve
N’ai-je pas lu, au travers les lignes (de chemin de fer) que les trois promises (cuitées) n’étaient autres que trois oies (blanches) qui entraînèrent Charmant dans les airs suédois ?
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Oh, oh, bien vu, Martine…
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Digne de la belle lisse poire du Prince Motordu et de sa famille …
Pour rappel:
– Grand-père : duc S. Thomas de Motordu (père du prince)
– Grand-mère : comtesse Carreau-Ligne de Motordu (mère du prince)
– Père : le prince de Motordu
– Mère : la princesse Dézécolle, traîtresse d’école
– Enfants : un petit glaçon, Nid-de-Koala, et une petite bille, Marie-Parlotte
– Signe particulier : mélangent les mots en parlant
http://www.gallimard-jeunesse.fr/Personnages/Prince-de-Motordu
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Beau compliment mon Skal ! Merci…
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Ping : Autopsie chez Jobougon et Aujourd’hui « la chose à ne pas dire – 10 août | «La jument verte
Excellent j’y étais à ce « qui veut épouser mon chérubin » 😉
Bon dimanche
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Pas sympa, la reine mère, n’est-ce pas ?
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Ping : L’agenda ironique d’août-la bagarre de la fée bleue | monesille
Ah j’ai adoré ! ou sont les blanches neiges d’antan ! j’ai grand ouvert mes écoutilles et bayé aux corneilles de toutes mes mirettes éblouies devant ce talent d’organisatrice de nuit blanche pas qu’à Seattle et je cours de ce pas guilleret acheter un kilo de pois chiches, ou pas, de sauter dans un conte, pareillement à des pop-corn dans ma bouche à l’entracte d’un film en cinémascope !
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Oh, que c’est gentil ce commentaire délicieux et croquant…Merci….
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Warf, le plus noir des seins c’est Nabila, forcément.
Excellent: la belle au pois dormant !!
J’ai pas compris le petit déjeuner anglais, of course cycliste ? F*$ù% bikers ? 😉
Il y avait aussi: « Bien malachite ne profiterole jamais ! » (Lolo 1999) 😉
Et je te file le lien vers un sketch d’Artus qui reprend le thème énoncé ci-dessus construit à partir de phrases cultes de la télé réalité. A mourir de rire !
Merci pour ce bon moment.
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T’avoir fait rire est le plus beau des compliments ! Je n’écris que pour toi ! Et rien à comprendre dans la course cycliste à part une panne d’inspiration peut-être ?
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Excellent ! Moi j’aurais mis 25/20 à la note finale pour ce sketch !
Merci pour cette découverte. 😀
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J’en informe le pourvoyeur illico presto… Merci.
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Ping : Concours agenda ironique d’août : Disséquer la grenouille ou la citrouille ? | L'impermanence n'est pas un rêve
Le genre pois chiche kebien est un véritable tord neurone, c’est une performance hautement graduée sur l’échelle de l’agenda ironique que tu nous a offert. Bravo pour ce travail digne d’une grande reine conteuse. Je me précipite pour ajouter le lien de ton texte. Super idée que cette téléréalité « qui veut épouser mon chérubin » !
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Bon, j’ai de rudes vis-à-vis qui font voler très haut les mouches du coche. Faut être à la hauteur sinon rien ! En tout cas, le genre concours à la noix de coco pour des prunes, ça fait bosser ! Merci Jobougon !
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joli ! j’en reste coi…coi ? coi !
Va falloir jouer de la plume et du bec pour suivre le mouvement !!
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Et je n’ai pas le moindre doute sur l’envol de la bête !
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Je suis un enfant en bas âge et je valide la lecturabilité de ce texte qu’il serait nécessaire de faire découvrir, dès biberon minet, à tous enfant muni d’oreilles.
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Sans, ça marche aussi… Quel humour cette patte !
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