Ballade de Lola Montes.

9. lola montes

Lola Montes avait trois dents

Une pour la soupe et l’apéro

Une pour la viande et les baisers

La dernière pour compter

L’arriéré des loyers qu’elle devait à Mémé.

 

Numéro un,

une canine ébréchée, trempait dans du liquide.

Lola Montes sifflait au troquet dans l’anisette

Au bistrot sucrait l’oubli  avec les potes dans le whisky

Et dans l’estaminet du coin

Noyait l’ennui trois cacahuètes et c’est parti.

 

Numéro deux,

l’incisive aigüe se plantait tel un dard

Dans les morceaux choisis de ses michetons chéris.

Viens mon gros loup, que je te susurre dans le cou

File moi ton blé, mon lapin  et tu verras mes dentelles, disait-elle,

Mes dessous déments,

T’es armé jusqu’aux dents, mon bijou

Que je te montre la tour Eiffel et te fasse voir toutes mes merveilles.

 

Der des der, numéro trois,

la grosse molaire moisie, réservée à Mémé

Contre laquelle elle avait une dent, précisément celle-là.

Quinze ans que Lola casquait pour l’appartement qu’elle avait

En rente viagère acheté pour se faire entuber.

 

La vieille ricanait dans son dentier

Tout en or payé avec les loyers de la Lola.

La rombière étincelait de l’éclat du métal

Elle  refusait de rendre ses dents.

 

Lola Montes grinçait, grinçait, grinçait ses trois dents

Ruminait longuement, préparait son coup. En fumant.

– Quoi ? Une année de plus c’est une année de trop !

Pour ses chicots qu’il fallait mettre au boulot

Avant qu’ils ne noircissent davantage

De haine et de mauvaise haleine.

 

Elle réunit donc les trois dents de concert en conseil de guerre.

Halte au gaspi. Boutons la vioque hors de chez bibi !

Hurla-t-elle en postillonnant.

En route pour la curée et sus à l’ancêtre.

 

Les trois bancales contre le dentier d’acier !

La canine ébréchée, l’incisive aigüe, la grosse molaire moisie

Mordent

Mordent à pleines dents

La carotide usée de la vieille bique bancale.

 

Lola Montes s’est fait refaire les dents.

Riche et bien nantie, elle a hérité enfin de son appartement

A remballé pour jamais les michetons malingres

Pourtant bien montés mais trop souvent fauchés.

 

S’est acheté le gîte, le couvert et l’avenir

A ouvert une maison de passe, de vice, de plaisirs licites

Et illicites

De débauche dentaire et vestimentaire.

 

Ces dents splendides ne sont plus pour les potes d’antan

Des bistrots, estaminets et troquets du coin, non !

Ces belles et bonnes dents pour la soupe et l’apéro

Pour la viande et les baisers

Comptent à présent le pèse des poules monnayées

Qui lui doivent l’hospitalité.

 

Ses dents, plus jamais, elle ne les montre à personne.

Car Lola Montes a perdu pour toujours son sourire édenté.

Et ces trois nouvelles dents

Blanches, brillantes, et froides

Elle se les réserve en exclusivité

Pour tous les desserts qu’elle dévore à pleines dents

En toute impunité.

 

 

 

 

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A propos Anne de Louvain-la-Neuve

Anne d'un nulle part, ailleurs ici ou là, entre réel et imaginaire.
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4 commentaires pour Ballade de Lola Montes.

  1. Ping : Mon cycliste à moi, il m’parlait d’aventures… | Anne de Louvain-la-Neuve

  2. Elle
    avait
    un bel appartement
    Lolaaa Monteeeeeeeeeeeees
    Lolaaa Monteeeeeeeeeeeees
    Elle
    avait
    un bel appartement
    qu’elle acquit avec seees deeeeeeeeeeennnnnnnnnnts
    Lalalalère
    (sur l’air de « Elle avait de tout petits petons, Valentine »)

    J’aime

  3. Denis Danielle dit :

    Excellent !

    ________________________________

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