Lola Montes avait trois dents
Une pour la soupe et l’apéro
Une pour la viande et les baisers
La dernière pour compter
L’arriéré des loyers qu’elle devait à Mémé.
Numéro un,
une canine ébréchée, trempait dans du liquide.
Lola Montes sifflait au troquet dans l’anisette
Au bistrot sucrait l’oubli avec les potes dans le whisky
Et dans l’estaminet du coin
Noyait l’ennui trois cacahuètes et c’est parti.
Numéro deux,
l’incisive aigüe se plantait tel un dard
Dans les morceaux choisis de ses michetons chéris.
Viens mon gros loup, que je te susurre dans le cou
File moi ton blé, mon lapin et tu verras mes dentelles, disait-elle,
Mes dessous déments,
T’es armé jusqu’aux dents, mon bijou
Que je te montre la tour Eiffel et te fasse voir toutes mes merveilles.
Der des der, numéro trois,
la grosse molaire moisie, réservée à Mémé
Contre laquelle elle avait une dent, précisément celle-là.
Quinze ans que Lola casquait pour l’appartement qu’elle avait
En rente viagère acheté pour se faire entuber.
La vieille ricanait dans son dentier
Tout en or payé avec les loyers de la Lola.
La rombière étincelait de l’éclat du métal
Elle refusait de rendre ses dents.
Lola Montes grinçait, grinçait, grinçait ses trois dents
Ruminait longuement, préparait son coup. En fumant.
– Quoi ? Une année de plus c’est une année de trop !
Pour ses chicots qu’il fallait mettre au boulot
Avant qu’ils ne noircissent davantage
De haine et de mauvaise haleine.
Elle réunit donc les trois dents de concert en conseil de guerre.
Halte au gaspi. Boutons la vioque hors de chez bibi !
Hurla-t-elle en postillonnant.
En route pour la curée et sus à l’ancêtre.
Les trois bancales contre le dentier d’acier !
La canine ébréchée, l’incisive aigüe, la grosse molaire moisie
Mordent
Mordent à pleines dents
La carotide usée de la vieille bique bancale.
Lola Montes s’est fait refaire les dents.
Riche et bien nantie, elle a hérité enfin de son appartement
A remballé pour jamais les michetons malingres
Pourtant bien montés mais trop souvent fauchés.
S’est acheté le gîte, le couvert et l’avenir
A ouvert une maison de passe, de vice, de plaisirs licites
Et illicites
De débauche dentaire et vestimentaire.
Ces dents splendides ne sont plus pour les potes d’antan
Des bistrots, estaminets et troquets du coin, non !
Ces belles et bonnes dents pour la soupe et l’apéro
Pour la viande et les baisers
Comptent à présent le pèse des poules monnayées
Qui lui doivent l’hospitalité.
Ses dents, plus jamais, elle ne les montre à personne.
Car Lola Montes a perdu pour toujours son sourire édenté.
Et ces trois nouvelles dents
Blanches, brillantes, et froides
Elle se les réserve en exclusivité
Pour tous les desserts qu’elle dévore à pleines dents
En toute impunité.
Ping : Mon cycliste à moi, il m’parlait d’aventures… | Anne de Louvain-la-Neuve
Elle
avait
un bel appartement
Lolaaa Monteeeeeeeeeeeees
Lolaaa Monteeeeeeeeeeeees
Elle
avait
un bel appartement
qu’elle acquit avec seees deeeeeeeeeeennnnnnnnnnts
Lalalalère
(sur l’air de « Elle avait de tout petits petons, Valentine »)
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Dentem pro dente !
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Excellent !
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