Autopensées réfléchissantes

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Croyez-le ou pas, ce n’est pas par ennui, par manque d’inspiration, par dépit,  que ces textes se sont interrompus soudainement. Il est des circonstances de la vie qui portent le corps, le cœur et l’âme vers d’autres contrées moins désirables. Cet intermède m’a pesé plus que vous ne le pensez. Si le blog existe, tout virtuel qu’il soit, c’est bien pour établir une connexion entre moi et toi, un lien qui parfois se matérialise au travers d’un message « vous avez un nouveau lecteur ».  Mais se faire rare n’est-ce pas aussi susciter le désir ? Ne soyons pas dupes, tomber dans l’oubli me parait plus réaliste! Aussi, accompagnez-moi dans cette année nouvelle après celle d’un cheval capricieux et saumâtre que nous tenterons d’oublier au plus vite. Entrons par la petite porte et sur la pointe des pieds dans 2015 qui a si mal débuté par ces stupides attentats de fous sanguinaires.

– Maman, un blog c’est dépassé. Complètement ringard, m’avaient dit mes fils. Me voilà déjà morte avant que d’être sur la toile. Mais tant pis, je l’ai créé péniblement. Car quelle joie de voir s’afficher d’un seul clic mes deux premiers lecteurs ! Console-toi ma petite, me suis-je dit, deux, c’est mieux que rien et c’est un signe : les balbutiements réussis d’une nouvelle née, l’errance tâtonnante des premiers pas cahincaha, l’aube d’une prime jeunesse dans l’informatique. Quand l’expéditeur qui ne représentait alors que la vague espérance d’un groupe-lecteur anonyme se matérialise, s’extrait du virtuel pour devenir un quelqu’un, tout change ! Portée par la découverte de cette terra incognita, j’ai alors eu l’idée d’étendre ma zone d’influence : de passer de deux à trois lecteurs. Comment faire ?

Quand le menu d’Outlook s’est ouvert sur « Nouveau », j’ai immédiatement écrit du tac au tac dans le « sujet/objet » : Autopensées réfléchissantes. Et j’ai commencé…Texte  : « Ma chère Anne, tu me manques. (Ne cherchez pas, Anne, c’est moi). J’espère que tu vas bien, écris-moi pour me raconter tes dernières aventures. » Et j’ai cliqué sur « Envoyer ». Je suis partie ranger ma cuisine du matin, la bave aux lèvres, tendue dans l’espoir d’une réponse. Une demi-heure plus tard, après avoir vaqué à mes occupations et les mains tremblantes, j’ai cliqué sur « Recevoir ». Suspense… mon Dieu, un nouveau mail ! Que je redécouvre avec délice et auquel je réponds immédiatement avant de descendre repasser une manne de linge. « Chère Anne. Je vais très bien. Mes enfants sont en session d’examens, la maison est calme, le gel sévit encore en cette fin janvier et ce ciel plombé grève considérablement mon moral. Que lis-tu pour l’instant d’intéressant ? »

Je pense à moi, ça fait plaisir. Je vais me raconter les dernières nouvelles exaltantes de ma vie trépidante de mère au foyer. Tiens, mon rêve du jour par exemple. Je n’épiloguerai pas sur la couleur hypothétique du dernier :  est-ce en noir et blanc ou en couleur ?  Moi qui rêve tous les jours comme chacun, mais ai le plaisir de m’en rappeler comme personne, je puis vous dire que cette querelle noir/blanc vs couleurs est dépassée et ne présente au demeurant aucun intérêt face au synopsis lui-même. Et sachez-le, je ne cours pas au ralenti, mais tout à fait normalement. Je vole aussi, non pas à l’étalage, mais pour de vrai et sans ailes, mais malheureusement trop peu souvent. Je peux compter sur les dix doigts de mes mains, le nombre exact de mes baptêmes de l’air sans avion, ni appareillage d’aucune sorte. Revivre cette sensation fait pâlir tous ceux qui ne l’ont pas expérimentée, je le sais. Quand j’en parle aux amis, deux camps se dessinent, ceux qui ont volé et ceux qui n’ont pas volé,  créant ainsi ces sortes de familles comme celles qui rassemblent les vrais lecteurs du Seigneurs des Anneaux (les trois tomes, en boucle), d’Harry Potter (les sept tomes, en boucle aussi) ou de La Tour sombre d’un Stephen King inoubliable. Je pilote l’hélicoptère sans problème, mais, hélas,  depuis que je suis  montée dans un véritable, le rêve a cessé, semble-il,  définitivement. Je dispose de quelques maisons de rechange aussi où je me téléporte au hasard. Elles ont chacune leur environnement, leurs particularités architecturales, et on y entend paroles et musiques, dialogues et disputes tout comme dans la vraie vie. Je me perds dans les échangeurs labyrinthiques d’autoroutes imaginaires et j’ai un vertige incroyable quand je dois rouler en voiture sur des ponts suspendus au-dessus d’un vide immense ou de cours d’eau en crue.

Je vous arrête tout de suite. Je ne suis pas une psychopathe égocentrique et nombriliste et ne souhaite pas d’interprétations psychanalytiques !  Mais, avouez-le,  j’ai là de quoi alimenter mon autocorrespondance à l’infini. Mesdames et messieurs, je vous présente l’autocourrier des lecteurs. Il peut devenir une rubrique quotidienne et permettre à tout un chacun d’être toujours en correspondance avec lui-même, un être à l’écoute, disponible, qui répond sans jamais se lasser. Dire que j’ai passé tant de temps à ignorer les possibilités infinies de l’ordinateur ! Désormais, je suis sur la brèche, je guette le message et les nouvelles du jour. On ne peut se sentir seul quand on est si bien accompagné. Terminé les pièges des sites de rencontre, plus rien à redouter des envahisseurs des réseaux sociaux, et surtout, j’ai de quoi éviter à jamais les forums bourrés de fautes d’orthographe des maniaques de tous bords qui se sentent investis de la mission de faire partager leurs pensées profondes au monde entier et sur tous les sujets.

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A propos Anne de Louvain-la-Neuve

Anne d'un nulle part, ailleurs ici ou là, entre réel et imaginaire.
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9 commentaires pour Autopensées réfléchissantes

  1. Mmmmmmmhhh … !!! Et que va-t-il se passer le jour où tu ne te réponds pas? OU QUE TU TE REPONDS EN N’UTILISANT QUE DES MAJUSCULES? Ou tout simplement que tu n’aimes pas la réponse reçue? Est-ce que tu vas te fâcher avec toi?

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  2. Judith Kessener dit :

    Et maintenant tu as même une lectrice à l’étranger!
    J’adore te lire Anne…
    Judith

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  3. Jo dit :

    c’est qu’il est nécessaire de s’aimer…

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  4. Sophie Dancot dit :

    Détrompe-toi, Anne, tu n’avais pas sombré dans l’oubli. J’ai introduit pas plus tard que jeudi une plainte en bonne et due forme auprès de ton cher et tendre, demandant où restaient tes bafouilles que je prends toujours autant de plaisir à lire. Merci pour celle-ci !

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  5. Véronique dit :

    J’adore !

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  6. Nicole Menesson dit :

    super bon plan !

    Date: Mon, 19 Jan 2015 12:59:02 +0000 To: nmkedou@hotmail.com

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  7. Claudie dit :

    Merci de nous faire partager ton écriture…. C’est toujours un plaisir de passer ce moment en ta compagnie si virtuelle soit-elle et en même temps une lecture tellement riche en vérités..

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  8. Mimi dit :

    Ben ça alors ! On n’est pas copines pour rien ! Moi aussi j’ai volé, en toute honnêteté et même en extase. J’avais mes trucs pour prendre l’élan le plus efficace, je m’inventais des souffles plus porteurs que d’autres, et quel plaisir, effectivement, de voir mes auditeurs ouvrir grand les yeux en entendant mes mots se balancer au gré des sensations que je me procurais. Autre chose que vous, Monsieur Onan ! C’est peut-être l’âge, mais je ne vole plus, mes chers parents… (Pour comprendre, allez voir « la famille Bélier » et ne pleurez pas trop).
    Comme toi aussi, j’ai mes maisons inventées où je me transporte certaines nuits… L’une, particulièrement, est faite de bribes de plusieurs décors où mon émotion fut singulière et profonde. Un escalier de fer en colimaçon y relie l’étage au rez de chaussée, ou plutôt l’inverse, car c’est en haut qu’étaient le feu et la musique. Un jour peut-être, je raconterai Miles Davis…
    Mimi qui adore jouer avec toi dans les voix aériennes, hélas pénétrables, du Net !

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  9. Marie-Charlotte Decleve dit :

    Bonjour Anne ! Ces autopensées réfléchissantes sont bien de toi ! Merci de les partager.
    Un gros bisou, keep up ! Marie-Charlotte  

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