Heureusement que je ne suis pas un chien ! Je le trouve plutôt sympathique au demeurant avec ses bons yeux attentifs et adorateurs. Mais quand je regarde Rufus, qui a succédé à Bilboquet, je reste interloquée : malgré mes interdictions, ma grosse voix, mes rappels à l’ordre, le dressage, c’est plus fort que lui, il renifle les crottes des autres avec application. Parfois même davantage, mais je ne peux pas l’écrire ça me dégoute, surtout quand il a gelé, une envie de frisco peut-être ?
Franchement, je me dis que j’ai de la chance d’avoir échappé à ça dans une vie réincarnée. Quant à la possibilité même infinitésimale de renaitre de chien en homme, rien que l’idée m’horrifie : il faudrait à n’en pas douter rentrer dans les cabinets afin de snifer l’odeur délectable du précédent pour s’en faire une idée. De plus, suivre le premier venu qui vous caresse dans le sens du poil, vous flatte l’encolure ou vous attire au susucre, tout en reniflant vos fesses, trop peu pour moi, surtout en battant de la queue. Les croquettes de mon chien me font réfléchir. Je m’étonne que les arnaqueurs des régimes rapides, toujours les premiers à capter les gros coups fourrés et les aubaines foireuses, n’aient pas sauté sur cette mine d’or : songez au rapport croquettes/déjections. Certes, il y a l’haleine ! Mais quand de même, de quoi réfléchir…
Je regardais l’autre jour une enquête de Monk : un singe y était soupçonné du meurtre de son maitre. Le malchanceux quadrupède incriminé vivait dans un appartement luxueux avec cet imbécile prétentieux, la victime, qui l’avait affublé d’un lange-culotte. Il s’avéra que naturellement le singe était innocent, mais c’est la victime qu’on devrait condamner, même morte, pour outrage à la vie sauvage. Vous vous voyez, vous, agrippé à un lustre en cristal en lange-culotte ? Et puis, quand ils cessent d’amuser la galerie ou qu’ils deviennent trop grands ou trop agressifs, oups, les pauvres bêtes, on les refile au zoo et là, elles qui avaient le derrière bien au chaud depuis des années se retrouvent le cul tout nu, du jour au lendemain.
Heureusement que je ne suis pas un de ces pêcheurs de la Malaise vêtus de cuissardes ridicules en plastique, transis sous la cape, le derrière débordant du petit pliant à trois pieds, attendant des heures durant la carpe idiote qui viendra mordre à l’hameçon et qu’il faudra rejeter ensuite, c’est le règlement au lac de LLN ! Car enfin, ne me dites pas qu’il y a du plaisir à contempler cette eau d’un œil de merlan frit tout en se soulageant contre un tronc malingre tandis que je passe l’air de rien avec le chien susnommé. Il y a un avantage cependant. Tandis qu’ils se pèlent au lac, bobonne repasse, fait à manger, range la maison, élève les enfants et attend son homme.
Et surtout, heureusement que je ne suis pas anglaise. Contrainte de placer mes enfants dans des écoles privées hors de prix où la qualité des sévices corporels et du phrasé servent de mètre étalon à un futur emploi, obligée de perdre mon accent cockney wallon pour du pur jus aristocratique pincé, je me verrais aussi dans l’obligation de fréquenter une paroisse, de verser dans le bénévolat, de mettre des potpourris partout dans des vases fleuris assortis à des rideaux Laura Ashley. Mon mari fumerait le cigare, fréquenterait un club sélect, boirait du cognac, aurait un parapluie noir et nous habiterions un quartier chic. On serait obligé aussi d’éliminer certaines de nos fréquentations pas assez… et de jouer au golf pour maintenir un standing conforme à notre rang. Être anglaise n’est pas de tout repos. C’est ainsi qu’on s’aperçoit qu’être une femme, belge de surcroit, wallonne en sus, et banale en somme, n’est pas une si mauvaise chose.
Lecture du mois vivement conseillée : « Un week-end chez des amis » de Madeleine Wickam, éditions Denoël, 1998. Ca date, mais pas tellement !
J’adore! Tu me fais toujours rire et j’adore ça!
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Très amusante, ta réflexion sur les chiens… c’est un peu ça qui me dégoûte d’en avoir…
Et puis sur les Anglaises, c’est tellement vrai. Je le constate puisque je donne cours de français à ces dames.
Et pour les pêcheurs, à quoi ça sert de blesser des animaux pour les rejeter comme des vieilles chaussettes, c’est dégoûtant.
Je suis à l’affut de tes prochaines réflexions,
Astrid de LLN
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Quant on sait que les croquettes « économiques » (lire « tellement pas chère qu’on se doute de ce qu’il y a – ou plutôt de ce qu’il n’y a pas – dedans ») sont pleines de cendres obtenus par la crémation de carcasses d’animaux et d’autres « farines » dont on fait mieux de taire l’origine, on n’est pas loin du frisco à la crotte d’autre …
Sur ces considérations, grosses lèches baveuses.
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Moi en tout cas, j’aimais bien… certes pas trop l’évocation des crottes mais Monk, la peur, les Anglais. Et comme d’habitude, une fin délicieuse.
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La sineke basque-flamande née à Leuven et vivant à Louvain-la-Neuve, mariée à un Bruxellois et ayant engendré 3 jeunes wallons…. attend tes mémo avec impatience…
Pas de chien…Mais un chat dont je n’envie pas la pâtée n’ont plus.
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Comme toi je suis une bonne belge banale et très contente de l’être, j’ai aussi un chien Rufus qui renifle aussi les crottes, mon dieu que de similitudes… j’adore te lire.
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